Dans les comités d’investissement marocains, c’est souvent dès la slide “Problème” que le pitch deck perd en crédibilité.
Certains fondateurs décrivent un enjeu trop large, d’autres utilisent des formulations vagues, et beaucoup confondent “problème réel” et “vision ambitieuse du marché”.
Pour un investisseur, un problème bien défini est l’indicateur le plus fiable de la pertinence de la solution, de la facilité d’acquisition et du potentiel de rétention.
1. Comprendre ce que l’investisseur évalue réellement : preuve, intensité et solvabilité du problème
Pour un investisseur marocain, un problème n’est crédible que s’il répond à trois critères concrets.
1. Un problème observé, pas supposé
Les investisseurs rejettent les problèmes formulés à partir d’intuitions ou d’hypothèses.
Ils veulent comprendre comment vous avez constaté le problème :
entretiens utilisateurs, analyses terrain, retours lors de pilotes, observation des pratiques informelles, données sectorielles locales.
Un problème non observé est un problème imaginaire.
2. Une intensité mesurable
Le problème doit être suffisamment fort pour :
pousser un utilisateur à changer ses habitudes,
justifier un budget,
motiver une adoption.
Dans le contexte marocain, où la résistance au changement peut être forte, cette dimension est cruciale.
Un problème “confort” n’entraîne pas une adoption rapide ; un problème “coût” ou “temps perdu” est beaucoup plus efficace.
3. Une solvabilité réelle
Tous les problèmes ne sont pas solvables commercialement.
Les investisseurs cherchent à comprendre si la cible : a un budget, est prête à payer, reconnaît le problème, subit suffisamment de pertes pour considérer une solution.
La solvabilité est souvent le point le plus mal évalué par les fondateurs marocains.
Un problème non solvable ne peut pas devenir un business, même s’il est réel.
Ces trois critères permettent à l’investisseur de distinguer un problème stratégique d’un simple inconfort.
2. Construire un récit de problème crédible : précision, preuves terrain et contextualisation marocaine
La slide “Problème” doit être un résumé structuré de ce que vous avez observé sur le terrain, pas une projection abstraite.
1. Décrire un problème concret, pas une tendance générale
Les formulations abstraites sont inutilisables :
“Le marché manque de digitalisation”, “Les entreprises ont besoin d’efficacité”, “Le secteur manque d’innovation”.
Ces phrases ne donnent aucune information opérationnelle.
Un problème crédible doit être concret, par exemple :
“Les PME passent plusieurs heures par semaine à gérer manuellement la facturation”,
“Les cliniques privées perdent du revenu en raison d’un processus de recouvrement lent”,
“Les transporteurs urbains n’ont pas de visibilité sur les trajets réalisés”.
Un investisseur peut vérifier ces constats immédiatement.
2. Quantifier la fréquence ou l’impact du problème
Le but n’est pas d’impressionner, mais de montrer l’importance du problème.
Quelques exemples : nombre de tâches manuelles, coût de l’erreur, temps perdu par opération, taux d’usage d’un outil informel, cycles administratifs trop longs. Une quantification donne du poids à la slide.
3. Montrer que le problème est partagé par un segment précis
Le problème doit concerner un segment clairement défini : TPE, PME industrielles, cliniques privées, écoles, coopératives agricoles, transporteurs.
Un problème trop large est rarement crédible pour une startup early-stage.
4. S’appuyer sur des comportements spécifiques au marché marocain
Un problème doit être contextualisé :
usage massif de WhatsApp,
processus administratifs complexes,
forte part d’informel,
pratiques manuelles encore dominantes,
adoption digitale progressive,
contraintes réglementaires sectorielles.
Une slide qui intègre ces réalités montre que la startup comprend son terrain.
5. Différencier problème et solution
Une erreur fréquente consiste à mélanger les deux :
ex. : “Les entreprises manquent d’un outil X”.
Ceci n’est pas un problème : c’est une solution déguisée.
Le problème décrit l’état actuel, pas ce que vous proposez.
Avec cette méthode, la slide devient crédible, compréhensible et directement exploitable.
3. Construire une slide lisible : structure simple, hiérarchie visuelle et cohérence avec le reste du deck
Même une analyse solide peut perdre son efficacité si la slide est confuse.
L’objectif est que l’investisseur comprenne le problème en quelques secondes.
1. Utiliser une structure en trois niveaux
Les slides “Problème” les plus efficaces se composent généralement de :
un énoncé clair du problème, deux ou trois preuves terrain ou exemples concrets, une brève mise en perspective sectorielle.
Pas d’effets de style, pas de formulation marketing.
2. Favoriser la simplicité visuelle
La slide doit rester aérée :
quelques phrases courtes, une hiérarchie lisible, une logique claire.
Les investisseurs marocains lisent rapidement ; une slide surchargée perd immédiatement son impact.
3. Assurer la cohérence avec la slide “Solution”
Le problème doit se connecter naturellement à la solution.
Si la solution ne répond pas directement au problème formulé, l’investisseur conclura à un manque de cohérence stratégique.
4. S’assurer que le problème est cohérent avec la taille du marché
Un problème trop micro ou un problème trop large crée une contradiction avec les slides suivantes (TAM, SAM, SOM).
Le problème doit correspondre précisément à la taille de marché présentée.
5. Vérifier que les preuves sont vérifiables
Les exemples doivent être réalistes et crédibles. Bien présentée, la slide “Problème” devient l’un des leviers les plus puissants du pitch deck.
La slide “Problème” n’est pas un exercice littéraire.
C’est une démonstration factuelle, issue du terrain marocain, qui montre :
pourquoi votre solution doit exister,pourquoi le marché est prêt à payer, pourquoi l’adoption peut être rapide.
Lorsque le problème est bien formulé, tout le reste du deck devient plus cohérent.
C’est l’une des pierres angulaires de votre crédibilité auprès des investisseurs.