Dans les comités de sélection, la baseline est l’un des premiers éléments lus. En quelques secondes, elle donne un aperçu du secteur, de la cible et de la fonction du produit. Pourtant, de nombreux fondateurs marocains négligent cette phrase, la confondent avec un slogan marketing ou utilisent des formulations abstraites qui compliquent la compréhension.
Une baseline efficace ne cherche pas à être inspirante. Elle vise à être compréhensible. Sa fonction n’est pas de séduire, mais d’expliquer. Dans un environnement où les fonds marocains qu’il s’agisse d’acteurs publics, privés ou académiques reçoivent des centaines de candidatures, cette clarté devient une barrière d’entrée.
1. La baseline : un outil de cadrage stratégique, pas une phrase décorative
Une baseline réussie permet à l’investisseur de situer immédiatement le projet. Elle doit répondre à trois questions simples : quoi, pour qui, sous quelle forme. Cette logique transforme une phrase courte en véritable boussole.
Les erreurs les plus fréquentes observées dans les decks marocains viennent d’une confusion entre baseline et slogan. Un slogan cherche à séduire ou à inspirer ; une baseline cherche à informer. Entre les deux approches, la différence est majeure.
Par exemple, “Réinventer l’expérience de la mobilité” est un slogan : il ne dit rien du modèle, de la cible ou de la proposition réelle. À l’inverse, “Application B2B de gestion de flotte pour PME marocaines” est une baseline : claire, fonctionnelle et immédiatement compréhensible.
La baseline doit également tenir compte du temps d’attention réduit des investisseurs. Lors d’une présélection ou d’un appel à projets, le lecteur décide en quelques secondes s’il va approfondir le dossier. Une baseline structurée réduit le risque d’interprétation erronée.
Enfin, cette phrase donne aussi un reflet de la capacité du fondateur à simplifier. Un entrepreneur qui sait formuler son projet en une phrase démontre une pensée claire. À l’inverse, une baseline confuse signale souvent un positionnement instable ou un manque de travail sur la cible.
Pour les startups opérant dans des secteurs techniques fintech, IA, supply chain, santé digitale la baseline a un rôle encore plus critique : elle doit rendre accessible un produit complexe. Le défi n’est pas de simplifier le projet, mais d’en extraire l’essentiel.
2. Comment construire une baseline précise : méthode et bonnes pratiques
La première étape consiste à définir le verbe d’action fonctionnel. Ce verbe doit décrire ce que fait réellement le produit : gérer, automatiser, connecter, analyser, distribuer, sécuriser.
Éviter les verbes creux : transformer, révolutionner, repenser, booster. Ils manquent de valeur opérationnelle.
La deuxième étape consiste à définir la cible précise : PME marocaines, coopératives agricoles, commerçants, établissements scolaires, transporteurs logistiques, développeurs, entreprises industrielles, etc. Une baseline qui mentionne une cible identifiable ancre immédiatement le projet dans une réalité concrète.
La troisième étape consiste à préciser la forme du produit : application mobile, plateforme web, API, service SaaS, solution hardware, marketplace, outil B2B.
Une formulation claire peut ressembler à :
“Plateforme SaaS de gestion de trésorerie pour petites entreprises marocaines.”
Une telle phrase donne au lecteur une vision immédiate du périmètre.
Il est également essentiel de respecter la logique de lecture visuelle. Les meilleures baselines contiennent :
un verbe opérationnel,
une fonction concrète,
une cible précise,
et parfois un contexte local.
La longueur idéale se situe entre 6 et 12 mots. Au-delà, la phrase perd en densité. En dessous, elle risque d’être incomplète.
Enfin, il faut tester la baseline auprès de personnes non expertes. Si un interlocuteur comprend immédiatement ce que fait la startup, la formulation est réussie. Ce test simple permet d’éviter la tentation de complexifier le discours ou de céder à un vocabulaire trop technique.
3. Adapter la baseline au marché marocain : précision, contexte et lisibilité
Le marché marocain présente des caractéristiques spécifiques : forte présence des TPE/PME, importance du commerce informel, diversité sectorielle, mais aussi contraintes réglementaires fortes dans certains domaines. Une baseline efficace doit tenir compte de ces réalités.
La première adaptation consiste à situer le projet dans son segment marocain. Une startup qui cible les commerçants traditionnels, par exemple, doit l’indiquer explicitement. L’investisseur comprend alors immédiatement les enjeux d’adoption, de coûts et de distribution.
La deuxième adaptation concerne les secteurs sensibles. Pour les projets dans la fintech, la santé ou l’énergie, préciser la nature de la solution permet d’éviter les malentendus. Par exemple :
“Solution de paiement B2B pour PME marocaines, conforme aux exigences locales.”
Cette phrase montre que le fondateur connaît les contraintes du secteur.
La troisième adaptation porte sur la lisibilité. Au Maroc, les decks circulent beaucoup entre institutions, incubateurs, mentors et partenaires. Une baseline trop abstraite crée de la confusion et multiplie les interprétations erronées.
Une formulation claire facilite la diffusion et renforce l’alignement entre les parties prenantes.
Enfin, une baseline bien construite aide aussi le fondateur dans sa communication commerciale. Elle devient une phrase de référence utilisée dans les rendez-vous, les formulaires d’inscription, les pages web et les supports institutionnels. Une startup qui maîtrise sa baseline maîtrise souvent mieux son discours global et cela se ressent dans les relations avec les investisseurs.
La baseline n’est pas un exercice de style, mais une preuve de maîtrise stratégique. Elle montre la capacité du fondateur à clarifier sa proposition de valeur et à situer son projet dans son marché. Au Maroc, cette clarté influence fortement la manière dont le deck est reçu, évalué et partagé. Une baseline précise, lisible et cohérente devient un avantage compétitif dès les premières secondes de lecture.