Dans les programmes d’incubation marocains, nombreux sont les porteurs de projets qui tentent de boucler leur pitch deck en un week-end. Résultat : un document souvent séduisant visuellement, mais creux sur le fond. Or, un investisseur expérimenté le remarque en moins de deux minutes.
Construire un deck efficace, c’est avant tout construire une pensée claire. Il ne s’agit pas de “remplir des slides”, mais de raconter une stratégie solide : problème, solution, traction, modèle économique et feuille de route.
Au Maroc, la majorité des startups en phase pré-seed et seed travaillent sous pression : deadlines de concours, appels à projets ou roadshows. Pourtant, un pitch deck bâclé peut anéantir des mois d’efforts. Les fonds marocains comme Azur Innovation Fund, UM6P Ventures ou Outlierz Ventures reçoivent des centaines de dossiers chaque année ; seuls les plus structurés se distinguent.
1. Le temps de réflexion : construire le fond avant la forme
Avant d’ouvrir PowerPoint, Keynote ou Canva, un fondateur doit consacrer un vrai temps à la réflexion stratégique. Cette première phase, souvent négligée, représente environ 40 % du temps total de construction du deck.
C’est le moment de clarifier son problème et sa promesse de valeur. Trop de startups marocaines formulent leur pitch autour du produit, oubliant de montrer pourquoi il résout un problème réel. Cette étape nécessite des données fiables : taille de marché, comportement des utilisateurs, structure de la concurrence. Les sources locales comme le HCP, la Bank Al-Maghrib, l’OMPIC ou les CRI régionaux sont précieuses pour chiffrer et contextualiser ces éléments.
Ensuite vient la modélisation économique. Même pour une startup en pré-lancement, il faut élaborer un modèle simple et cohérent : qui paie, combien, et pourquoi. Ce travail de structuration prend du temps, mais il conditionne la crédibilité du reste du deck.
En moyenne, un fondateur qui travaille sérieusement doit compter une à deux semaines pour finaliser cette première phase analytique. C’est le temps nécessaire pour aboutir à un message clair, capable de tenir en dix slides.
2. Le temps de conception : hiérarchiser et scénariser son message
Une fois la réflexion posée, vient le temps de la scénarisation. Chaque slide doit avoir une fonction : capter, expliquer, prouver ou conclure.
Le plus gros risque est de vouloir tout dire : le deck n’est pas un business plan abrégé, c’est un outil de conviction.
Cette phase mobilise la capacité de synthèse du fondateur. En pratique, il faut 3 à 5 jours pour transformer les idées en un enchaînement logique et fluide. Les entrepreneurs marocains les plus performants s’appuient souvent sur le regard externe d’un mentor, d’un incubateur ou d’un consultant en financement pour tester la cohérence du message.
Les structures telles que HSEVEN, StartGate, Technopark ou Impact Lab encouragent d’ailleurs ce travail collaboratif : un deck construit à plusieurs mains gagne en clarté.
À ce stade, il est essentiel de valider trois éléments avant de passer au design :
•Le fil narratif (le lecteur comprend-il le problème avant la solution ?)
•La progression logique (chaque slide prépare la suivante)
•La densité d’information (chaque slide contient une seule idée clé).
Cette phase doit être pensée comme une rédaction de scénario : il faut que le lecteur suive, sans effort, la logique du projet.
3. Le temps de mise en forme : soigner sans surcharger
La dernière phase concerne la mise en forme visuelle. Un pitch deck professionnel ne se juge pas à l’esthétique pure, mais à la lisibilité. Les investisseurs marocains, souvent sollicités sur plusieurs dossiers à la fois, accordent une attention moyenne de 3 à 4 minutes par deck. Une typographie claire, un code couleur sobre et des visuels cohérents peuvent donc faire la différence.
Pour un rendu professionnel, cette étape prend généralement 3 à 5 jours. L’usage de templates prédéfinis peut accélérer le processus, à condition d’éviter les modèles trop chargés. Certains incubateurs, comme UM6P Ventures ou LaStartupFactory, proposent des ateliers dédiés à cette dimension graphique et narrative.
Le design doit servir le contenu, pas l’inverse. Une bonne pratique consiste à tester le deck sur des profils non techniques : si un entrepreneur, un banquier ou un étudiant comprend la proposition en deux minutes, le message est clair.
Enfin, une fois le document finalisé, il faut prévoir du temps pour la révision : vérifier la cohérence des chiffres, la clarté du storytelling et la mise à jour des indicateurs de traction. Un deck n’est jamais figé : il évolue à chaque itération, selon les retours des investisseurs.
Construire un pitch deck professionnel demande entre 3 et 4 semaines de travail réel. Ce temps inclut la réflexion, la structuration et la mise en forme. Le fondateur marocain qui consacre ce temps n’en perd pas : il en gagne. Un deck clair, cohérent et adapté à ses interlocuteurs vaut plus qu’un dossier envoyé dans la précipitation. Dans un écosystème encore jeune mais exigeant, la patience devient un avantage compétitif.