Dans les comités d’investissement au Maroc, la slide marché est l’un des points où les fondateurs perdent le plus de crédibilité. Beaucoup se contentent d’afficher des chiffres globaux extraits d’études internationales, souvent mal contextualisés. D’autres confondent le marché total théorique avec le marché réellement accessible.
Résultat : l’investisseur ne parvient pas à comprendre la taille réelle de l’opportunité.
Or, pour un fonds ou un business angel, le marché n’est pas un décor : c’est un indicateur concret du potentiel de traction, du rythme d’adoption et des perspectives de revenus. Une slide marché claire montre que le fondateur a étudié son environnement avec précision.
1. Comprendre ce qu’un investisseur évalue réellement : taille, profondeur, réalité locale
Une slide marché doit répondre à une seule question : votre startup peut-elle croître dans des conditions réelles ?
Cette réponse ne dépend ni d’estimations ambitieuses ni de projections théoriques. Elle repose sur trois dimensions que l’investisseur marocain observe systématiquement.
1. Taille effective du marché
Il ne s’agit pas de présenter des milliards de dollars extraits de rapports internationaux.
Ce que recherche l’investisseur, c’est la taille du marché réellement accessible au Maroc ou dans la région ciblée.
Pour une solution B2B, cela implique souvent :
le nombre de PME dans le segment précis,
le taux de digitalisation actuel,
le pouvoir d’achat de la cible,
la structure des coûts du secteur.
Pour une solution B2C :
la fréquence d’usage,
les comportements de consommation,
la capacité de payer.
2. Profondeur du besoin
Un marché peut être grand mais peu solvable, ou solvable mais trop limité.
L’investisseur veut comprendre si le besoin est suffisamment fort pour générer une adoption naturelle.
C’est pour cela que les analyses tirées du terrain tests, entretiens, observations sont plus pertinentes que les statistiques globales.
3. Réalité du contexte marocain
Le Maroc présente des caractéristiques spécifiques :
importance du cash,
présence forte de l’informel,
adoption digitale lente dans certains secteurs,
forte concentration des PME sur quelques régions,
réglementations sectorielles strictes dans la santé, la fintech ou l’énergie.
Une slide marché crédible doit intégrer ces contraintes.
Si le fondateur les ignore, l’investisseur conclut qu’il ne connaît pas encore son terrain.
Une analyse rigoureuse de ces trois éléments montre que la startup ne projette pas un potentiel théorique, mais une opportunité réelle.
2. Comment calculer un marché crédible : TAM, SAM, SOM adaptés au Maroc
Les investisseurs connaissent les modèles TAM–SAM–SOM. Mais ils attendent une application pragmatique, contextualisée et réaliste.
La majorité des decks échoue parce que les fondateurs présentent :
un TAM global sans lien avec leur cible,
un SAM mal défini,
un SOM trop optimiste.
Pour être crédible, chaque segment doit reposer sur des données locales ou régionales.
1. TAM — Marché total théorique
Il sert uniquement à donner un ordre de grandeur.
Il ne doit pas être présenté comme une opportunité immédiate.
Pour le Maroc, le TAM peut parfois être régional (Maghreb, Afrique du Nord) lorsque la solution est directement exportable.
Mais il ne doit jamais être confondu avec la taille réelle de votre cible.
2. SAM — Marché réellement adressable
C’est ici que les fondateurs marocains doivent être précis.
Le SAM doit intégrer uniquement :
votre segment cible,
votre zone géographique,
votre modèle (B2B ou B2C),
les contraintes d’adoption locales.
Une estimation du SAM basée sur des données publiques (HCP, ANRT, rapports sectoriels) ou sur des observations terrain renforce immédiatement la crédibilité.
3. SOM — Marché que vous pouvez atteindre à court terme
C’est l’estimation la plus importante pour un investisseur marocain.
Le SOM doit être :
limité,
réaliste,
aligné avec votre capacité commerciale,
cohérent avec votre traction actuelle.
Le SOM n’est pas un “objectif ambitieux” : c’est votre potentiel d’acquisition sur 12 à 24 mois.
Une startup qui présente un SOM cohérent montre qu’elle comprend le rythme réel d’adoption au Maroc.
Lorsque TAM, SAM et SOM sont bien définis, l’investisseur peut enfin comprendre l’opportunité réelle — et non pas une vision abstraite du marché.
3. Présenter une slide marché lisible : chiffres vérifiables, segmentation claire, contextualisation locale
Même une bonne analyse peut perdre son impact si elle est mal présentée.
Une slide marché doit permettre à l’investisseur de comprendre la taille et la structure du marché en un coup d’œil.
Elle doit donc rester simple, hiérarchisée et cohérente avec le reste du pitch deck.
1. Utiliser des chiffres vérifiables
Chaque chiffre doit pouvoir être retrouvé dans une source crédible.
Il est inutile de multiplier les données : trois chiffres solides valent mieux qu’une douzaine d’estimations approximatives.
Les investisseurs marocains vérifient rapidement les ordres de grandeur.
Une erreur ou une incohérence peut remettre en question tout le deck.
2. Segmenter le marché par besoin, pas par intentions
La segmentation doit refléter des comportements réels :
type d’entreprise,
zone géographique,
capacité de payer,
maturité digitale,
fréquence du besoin.
Une segmentation trop théorique signale un manque d’observation terrain.
3. Visualiser la structure du marché
Un schéma simple, une pyramide ou trois blocs TAM–SAM–SOM suffisent.
L’objectif est de rendre le raisonnement visible :
marché total →
marché réellement adressable →
marché court terme.
4. Adapter l’ambition au stade du projet
Un deck early-stage doit présenter un SOM réaliste.
Un deck plus avancé peut mettre en avant un SAM régional ou continental.
L’important est que l’ambition reste alignée avec le niveau de traction.
Une slide marché n’a pas pour but de faire rêver : elle doit démontrer que la demande existe, qu’elle est mesurable et qu’elle peut être captée. Pour un investisseur marocain, elle est l’un des indicateurs les plus fiables de la maturité du fondateur.
Une analyse lucide, contextualisée et cohérente avec la réalité du terrain vaut toujours mieux qu’une estimation ambitieuse mais déconnectée.
