Présenter le problème : comment prouver qu’il vaut la peine d’être résolu

La slide “Problème” est l’une des plus décisives d’un pitch deck. C’est elle qui permet à l’investisseur de comprendre la raison d’être de votre startup et la pertinence du marché que vous ciblez. Bien formulée, elle crée une évidence. Mal construite, elle fait douter du besoin réel, du positionnement et même de la viabilité du projet.

Temps de lecture : 6 mins
Présenter le problème : comment prouver qu’il vaut la peine d’être résolu

Dans les comités d’analyse au Maroc, une observation revient fréquemment : les entrepreneurs parlent beaucoup de leur solution, mais très peu du problème qu’ils veulent résoudre. Certains décrivent un besoin trop général, d’autres l’exagèrent, d’autres encore le formulent sans preuve.
Pourtant, c’est cette slide qui détermine si la startup répond à une difficulté réelle, vécue et suffisamment répandue pour justifier un modèle économique.
Un problème flou conduit immédiatement l’investisseur à douter. Un problème concret, bien démontré, crée au contraire un effet de clarté qui structure tout le reste du pitch.

1. Le problème : la fondation stratégique trop souvent sous-estimée

Pour un investisseur, le problème est la première question à clarifier. S’il n’est pas réel, urgent ou fréquent, la solution même techniquement solide  perd tout intérêt. La plupart des fondateurs marocains commettent l’erreur de partir de leur idée plutôt que de partir du besoin. Résultat : un décalage entre l’innovation développée et la demande du terrain.

Un problème bien formulé doit répondre à trois critères :

fréquence : beaucoup de personnes ou d’entreprises le rencontrent ;

intensité : il cause une perte de temps, d’argent ou d’efficacité ;

absence de solution satisfaisante : les options existantes sont insuffisantes, coûteuses ou complexes.

Dans l’écosystème marocain, ces critères sont déterminants. Un fondateur qui vise les commerçants, les PME, les coopératives agricoles ou les établissements d’éducation doit montrer qu’il comprend réellement leurs contraintes. Les problèmes “globaux” inspirés des marchés américains n’ont pas forcément d’équivalent local.
L’investisseur cherche une preuve d’observation du terrain : visites, entretiens, pilotes, frustrations clairement identifiées. Une slide problème qui ne repose que sur des suppositions soulève immédiatement un doute.

Un cadre de formulation simple peut être utilisé : “Nos utilisateurs perdent X à cause de Y, car Z.”
Ce type de phrase oblige à démontrer une relation causale claire.
Un problème réel est un actif stratégique : il confirme que le produit correspond à une demande, et non à une intention abstraite.

2. Comment prouver qu’un problème existe : données, faits et contexte marocain

L’un des pièges les plus fréquents dans les pitch decks marocains est l’assertion non démontrée. De nombreux fondateurs écrivent que leur cible “rencontre des difficultés” sans préciser l’origine, la fréquence ou l’impact.
Pour rendre le problème crédible, il faut des éléments concrets. Au minimum : un chiffre, une observation terrain, un exemple précis, ou une donnée sectorielle.
Le HCP, l’ANRT, Bank Al-Maghrib, les CRI ou les rapports sectoriels publics fournissent des données utiles pour renforcer cette crédibilité. Ce ne sont pas des références “marketing” : ce sont des preuves que l’investisseur peut vérifier.

Un problème doit également être contextualisé. Au Maroc, certains enjeux sont propres au fonctionnement local :

fragmentation du marché,

faible digitalisation dans certains secteurs,

coûts logistiques élevés,

réglementation instable dans des segments spécifiques (fintech, santé digitale),

dépendance forte à la relation personnelle ou au cash.

Prouver le problème signifie aussi montrer que vous comprenez ce contexte. Un exemple concret, même simple, a souvent plus d’impact qu’une généralité.
Par exemple :

“Les officines pharmaceutiques perdent du stock faute d’outil simple de gestion.”

“Les petites usines ont des difficultés à suivre leurs flux de production en temps réel.”

“Les coopératives agricoles manquent d’outils fiables pour accéder à des prix actualisés.”

Enfin, un problème doit être démontré par des signaux de terrain. Un fondateur qui a testé son idée dans un Technopark, un incubateur régional ou une PME pilote a plus de crédibilité.
Les investisseurs marocains valorisent énormément ces preuves de proximité. Elles montrent que le fondateur ne construit pas une solution théorique, mais qu’il part d’un besoin réellement observé.

3. Différencier un vrai problème d’un simple inconfort : l’analyse qui rassure l’investisseur

Beaucoup de projets échouent parce qu’ils s’attaquent à un inconfort pas à un problème. L’inconfort est irritant, mais il ne déclenche pas un achat. Le problème, lui, a un coût identifiable. L’investisseur doit sentir que votre cible sera prête à payer pour résoudre cette difficulté.
Un vrai problème génère une perte mesurable : temps, argent, erreurs, risques ou manque d’accès.

Pour le marché marocain, cette distinction est particulièrement importante dans les secteurs suivants :

formation et éducation : la capacité et la volonté de payer sont variables selon les segments ;

informatique et solutions B2B : les TPE privilégient les outils simples et peu coûteux ;

agriculture : l’informalité et la saisonnalité influencent l’adoption ;

logistique : la complexité administrative ou la disponibilité des transporteurs ;

santé digitale : contraintes réglementaires strictes.

Présenter un problème solide, c’est aussi montrer qu’il crée une opportunité économique.
Un investisseur cherche trois choses :

la profondeur du problème,

le volume de personnes concernées,

l’absence d’alternative satisfaisante.

C’est ce qui lui permet de juger la taille du marché accessible.
Une slide problème réussie ne dramatise rien, ne promet rien : elle expose un fait. Plus cette exposition est claire, plus la solution semblera logique et nécessaire.

Enfin, prouver le problème renforce également la cohérence interne du pitch deck. Une solution pertinente découle d’un problème bien formulé. Une traction solide valide l’existence du problème. Un modèle économique cohérent s’appuie sur la valeur perçue du problème.

Présenter un problème, ce n’est pas exagérer une frustration : c’est démontrer la réalité d’un besoin. Un investisseur marocain veut comprendre pourquoi votre solution est nécessaire, pourquoi maintenant et pour qui. Une slide problème claire, factuelle et contextualisée montre que la startup s’appuie sur des observations tangibles. C’est la base sur laquelle se construit toute la crédibilité du projet.

Autres articles qui pourraient vous intéresser

Les startups dans les secteurs de la technologie verte I Start-up.ma
Les startups dans les secteurs de la technologie verte

Les startups opérant dans les secteurs de la technologie verte et de la transformation écologique jouent un rôle de plus en plus crucial dans la lutte contre...

Lire L'article
Enakl récompensée pour sa solution de mobilité numérique à Casablanca-Settat l DRH.ma
Enakl récompensée pour sa solution de mobilité numérique à Casablanca-Settat

La startup marocaine Enakl a remporté le prix du concours de la mobilité numérique organisé par la région Casablanca-Settat. Une distinction qui confirme l...

Lire L'article
Concevoir une solution compréhensible et crédible
Concevoir une solution compréhensible et crédible

Une solution bien présentée donne à l’investisseur un aperçu clair de ce que fait réellement la startup. Elle doit être simple à comprendre, crédible ...

Lire L'article
[LIVRE] Jessica Livingston : la verite brute sur les débuts chaotiques des geants de la Tech l Start-up.ma
[LIVRE] Jessica Livingston : la vérité brute sur les débuts chaotiques des géants de la Tech

Oubliez les success stories lisses et les communiqués de presse glorieux. Dans Founders at Work, Jessica Livingston, cofondatrice du légendaire accélérateur...

Lire L'article