Police et design : la crédibilité visuelle d’un pitch deck

Un investisseur ne lit pas toujours chaque mot d’un pitch deck, mais il perçoit instantanément son niveau de professionnalisme. Typographie, couleurs, hiérarchie visuelle : la forme dit beaucoup du fond. Dans un écosystème marocain où la première impression compte, la crédibilité d’un projet commence souvent par son design.

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Police et design : la crédibilité visuelle d’un pitch deck

Dans les incubateurs marocains, il est fréquent de voir des fondateurs passer plus de temps à choisir une palette de couleurs qu’à affiner leur modèle économique. L’inverse existe aussi : des projets solides, mais présentés dans des slides illisibles, avec des polices incohérentes et des graphiques confus. Or, le design d’un pitch deck n’a pas pour mission d’embellir, mais de rendre lisible une idée complexe.
Les investisseurs marocains et africains, habitués à examiner plusieurs dizaines de decks chaque semaine, repèrent immédiatement un document bâclé. La crédibilité visuelle devient alors un signal de sérieux. Un deck soigné ne prouve pas que l’entreprise réussira, mais il montre que ses fondateurs comprennent la rigueur attendue dans un environnement professionnel.

1. La typographie, premier marqueur de professionnalisme

La police d’écriture d’un pitch deck transmet un message avant même la lecture du texte. Une typographie simple, régulière et sans empattement comme Helvetica, Lato ou Open Sans exprime clarté et modernité. À l’inverse, les polices fantaisistes ou variables d’une slide à l’autre renvoient une impression d’amateurisme.
Au Maroc, où nombre de jeunes entrepreneurs réalisent leur présentation sur Canva ou Google Slides, la tentation du modèle préfabriqué est forte. Or, ces modèles utilisent souvent des typographies peu lisibles en projection. L’idéal est d’adopter une police unique, déclinée en deux poids maximum : régulier et gras. Cela permet de structurer visuellement les niveaux d’information (titre, sous-titre, texte).
Un autre point crucial : la taille du texte. Trop souvent, les fondateurs cherchent à “tout faire tenir” sur une seule slide, au risque de perdre en lisibilité. L’investisseur ne doit jamais plisser les yeux pour lire un chiffre clé. Les présentations les plus efficaces utilisent peu de mots, mais bien choisis, avec un contraste net entre texte et fond.
Enfin, la cohérence graphique doit être respectée sur tout le document : même typographie, même couleur, même espacement. Cette uniformité crée une impression d’ordre un signal que le fondateur sait structurer l’information, donc potentiellement son entreprise.

2. La hiérarchie visuelle, art de la lisibilité rapide

Un bon pitch deck ne se lit pas, il se scanne. L’œil doit pouvoir saisir l’essentiel de chaque slide en moins de cinq secondes. Pour cela, la hiérarchie visuelle est essentielle.
Au Maroc, les investisseurs, mentors ou jurys de concours disposent rarement de plus de dix minutes par projet. Un deck bien conçu guide naturellement le regard du lecteur : un titre fort, un visuel clair, un chiffre clé mis en valeur.
Les présentations réussies utilisent la règle du “un message par slide” : un problème, une donnée, une idée. L’abondance de texte crée de la confusion, tout comme les animations excessives ou les transitions spectaculaires.
La hiérarchie visuelle passe aussi par la mise en valeur des chiffres : les indicateurs clés (revenus, croissance, parts de marché, coût d’acquisition) doivent être immédiatement visibles. Des outils simples comme PowerPoint, Figma ou Pitch.com permettent de créer des graphiques propres sans surcharge visuelle.
Les incubateurs marocains tels que Technopark, LaStartupFactory ou UM6P StartGate encouragent désormais leurs lauréats à adopter cette approche de design fonctionnel : sobriété, clarté, efficacité. Ce style minimaliste, inspiré des standards internationaux, aide les startups marocaines à se positionner au niveau des attentes des fonds étrangers.
En somme, la hiérarchie visuelle ne cherche pas à “faire beau” : elle vise à rendre le discours intuitif. Un investisseur doit pouvoir comprendre, en feuilletant rapidement les slides, la promesse, le modèle et la traction de la startup.

3. Le design comme reflet de la culture d’exécution

Le design d’un pitch deck ne révèle pas seulement la qualité graphique d’un projet ; il traduit aussi sa culture interne. Une startup qui soigne sa présentation démontre une attention au détail, une capacité à prioriser et un respect du temps de l’interlocuteur. Ce sont des qualités que recherchent les investisseurs.
Au Maroc, où les fonds privilégient désormais les équipes capables d’exécuter rapidement, cette discipline visuelle devient un indicateur indirect de performance. Le design traduit la maturité du projet : clarté de la vision, cohérence du message, et gestion des priorités.
Cela vaut également pour les présentations adressées à des partenaires institutionnels (comme Tamwilcom ou les CRI) : un document bien conçu facilite la compréhension et renforce la confiance. À l’inverse, un deck désordonné renvoie une image de désorganisation, même si le projet est solide.
Le design, dans ce contexte, devient une compétence stratégique. Certaines startups marocaines intègrent désormais un designer à temps partiel ou collaborent avec des freelances spécialisés dans la communication d’investissement. Ce choix, souvent perçu comme un luxe, est en réalité un investissement.
Une présentation professionnelle peut littéralement changer la perception d’un projet, surtout dans les phases de levée de fonds où la concurrence pour l’attention des investisseurs est forte.
Le design ne remplace pas la substance, mais il en amplifie la clarté. Il permet au fond de ressortir, à l’histoire d’être lisible et à la stratégie d’être crédible.

Un pitch deck efficace est un document équilibré : clair, cohérent et sobre. Le design ne doit jamais précéder la réflexion stratégique, mais il la sert. Dans l’écosystème marocain, où chaque rendez-vous compte, une typographie lisible et une mise en page structurée peuvent faire la différence entre une opportunité et un refus poli.
En définitive, la forme n’est pas l’opposé du fond : elle en est la preuve visible.

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