Dans la majorité des pitch decks reçus par les fonds marocains, TAM, SAM et SOM sont soit copiés depuis une étude internationale, soit construits sans lien avec la réalité locale. Certains fondateurs affichent un marché de “3 milliards USD” alors qu’ils ciblent des TPE marocaines qui n’ont ni ce budget ni ce degré de digitalisation.
Pour un investisseur, cette erreur est rédhibitoire.
TAM, SAM et SOM ne servent pas à montrer l’ambition : ils servent à montrer le réalisme.
1. Comprendre la fonction réelle de TAM, SAM et SOM : trois niveaux de réalité, pas trois niveaux de rêve
La première erreur à éviter est de traiter TAM, SAM et SOM comme trois chiffres à “gonfler”.
Les investisseurs marocains qu’ils soient issus de fonds privés, d’universités, de groupes industriels ou de business angels savent parfaitement comment lire ces indicateurs.
Ils recherchent une méthode, pas une ambition.
TAM : le marché total théorique
Le TAM représente la taille globale du marché si la startup atteignait 100 % de la demande existante.
Ce chiffre n’est jamais votre objectif.
Il sert seulement à montrer que vous opérez dans un secteur qui a un potentiel global significatif.
Dans le contexte marocain, un TAM régional (Maghreb, Afrique du Nord) est parfois plus pertinent qu’un TAM mondial, surtout lorsque la solution répond à des usages proches.
SAM : la partie réellement adressable du marché
Le SAM est le segment cohérent avec :
votre cible réelle,
votre zone géographique de lancement,
votre mode de distribution,
votre proposition de valeur.
C’est l’une des métriques que les investisseurs marocains analysent le plus attentivement, car elle indique la pertinence du positionnement.
SOM : la part réaliste que vous pouvez capter à court terme
C’est ici que la rigueur devient indispensable.
Le SOM doit être calculé à partir de :
vos capacités commerciales actuelles,
votre traction,
vos canaux d’acquisition,
votre vitesse réelle d’exécution.
Un SOM réaliste montre que la startup comprend comment se déploie l’adoption au Maroc — souvent plus lentement que dans les pays où les benchmarks sont produits.
Ces trois chiffres ne servent donc pas à convaincre par leur taille, mais par leur cohérence.
2. Méthode simple et adaptée au Maroc pour estimer TAM, SAM et SOM sans exagération
Les investisseurs se méfient des chiffres importés de rapports globaux. Ils recherchent une logique construite à partir de données locales et d’observations terrain.
1. Estimer un TAM crédible
Pour éviter les estimations déconnectées :
utiliser les données publiques du HCP,
s’appuyer sur les rapports sectoriels marocains,
utiliser les chiffres fournis par les fédérations professionnelles,
évaluer le potentiel régional lorsque pertinent.
Un TAM crédible ne dépasse pas de manière disproportionnée la taille du marché réel.
Exemple : une solution B2B pour les PME marocaines ne peut pas s’appuyer sur un TAM global du SaaS mondial.
2. Construire un SAM réaliste et pertinent
Le SAM doit correspondre à la zone d’opération réelle.
Pour une startup marocaine early-stage, ce sera souvent :
un secteur précis (ex. : garages automobiles, pharmacies, transporteurs urbains),
une taille d’entreprise (TPE, PME),
une région spécifique,
un niveau réel de digitalisation.
Le SAM doit pouvoir être expliqué en trois phrases.
Un SAM flou ou construit mécaniquement fait perdre immédiatement la confiance.
3. Définir un SOM cohérent avec vos capacités opérationnelles
Le SOM doit être lié à votre capacité de distribution :
combien de clients pouvez-vous atteindre dans les 12–24 mois ?
combien d’équipes commerciales avez-vous ?
quel est votre coût d’acquisition actuel ?
quel est votre taux de conversion réel ?
Un SOM crédible ne repose jamais sur un pourcentage arbitraire du SAM (“Nous visons 5 % du marché”).
Il repose sur une capacité démontrable.
Même un SOM modeste peut convaincre un investisseur si la trajectoire est cohérente.
Une startup qui maîtrise cette méthode montre qu’elle comprend son marché — un signal déterminant pour obtenir un premier entretien sérieux.
3. Construire une slide TAM–SAM–SOM lisible : simplicité, données vérifiables et cohérence interne
La manière de présenter ces chiffres est aussi importante que la méthode.
Une slide confuse, surchargée ou contradictoire dégrade immédiatement la crédibilité du deck.
1. Favoriser la sobriété visuelle
Une slide TAM–SAM–SOM efficace contient :
trois blocs clairs,
un chiffre principal par bloc,
une phrase d’explication courte,
des données vérifiables.
L’objectif n’est pas de multiplier les graphiques, mais d’aider l’investisseur à comprendre d’un seul regard.
2. Mettre en avant des chiffres réalistes
Les investisseurs marocains ont des référentiels clairs.
Si les chiffres semblent disproportionnés par rapport au secteur, ils le remarqueront immédiatement.
Une estimation réaliste, même modeste, vaut mieux qu’un chiffre flatteur mais irréaliste.
3. Assurer la cohérence interne avec le reste du deck
La slide TAM–SAM–SOM doit être cohérente avec :
votre traction,
votre modèle économique,
votre stratégie d’acquisition,
vos projections financières.
Un projet qui annonce un SOM faible mais des projections très élevées perd en crédibilité.
À l’inverse, une cohérence totale montre que l’équipe comprend la dynamique du marché.
4. Ancrer l’analyse dans le contexte marocain
Un investisseur marocain doit pouvoir se projeter immédiatement :
où se trouvent les clients ?
quelle est leur capacité de payer ?
quel est leur niveau de digitalisation ?
quelles sont les contraintes réglementaires ?
Une slide qui intègre ces éléments montre que la startup ne dépend pas de suppositions, mais d’une analyse solide.
TAM, SAM et SOM ne montrent pas votre ambition, mais votre capacité à analyser un marché réel. Les investisseurs marocains privilégient la rigueur, même si les chiffres sont modestes. Une estimation cohérente, contextualisée et réaliste inspire plus de confiance qu’une estimation ambitieuse mais théorique.
Maîtriser ces trois métriques, c’est prouver que votre stratégie repose sur une compréhension lucide du terrain.
